lundi 30 septembre 2013

GR 20 en 5 jours : 3ème journée.

"Après ça, c'est roulant !"

Alors que mon réveil sonne toujours aussi fort et que je tente toujours de comprendre à quoi pourrai ressembler une "étape de mutant", je décide ce matin de ne pas subir et d'attaquer ma journée sur un meilleur pied que celle d'hier.
Petit dèj, toujours aussi infâme et aussi peu nutritionnel, paquetage et on se retrouve tous devant notre hôtel à 4h30 du matin.

Moi-même, Thierry, Sandro, Nicolas ...

 ... ainsi que Georges Clooney (mal réveillé, c'est pour ça qu'on a du mal à le reconnaître).

Bon, ok, c'est un peu brutal et vous voyez bien que le seul gars qui ne sourit pas sur la photo, c'est celui qui s'est déguisé en schtroumpf grognon.
Bien que, contrairement à hier, le moral soit assez bon, ainsi que mes jambes, je m'inquiète quand même un peu du programme de la journée.
Il est où le G.O ? Sandro, vient voir par là et fais nous un petit topo s'il te plaît avant que j'appelle un taxi, une ambulance, un cheval, un sherpa ... bref n'importe quoi qui pourrait me servir de moyen de locomotion.

Je le vois, sa main tremble dans son sac à dos, quelques gouttes d'angoisse perlent sur son front et sa respiration se fait haletante. Môsieur tente vainement de trouver une explication, genre ce n'est pas lui qui ait fait ce découpage du parcours, et puis comme ça c'est fait, et puis faut bien y arriver à Porto Vecchio alors, quoi ... bon, tu nous le sors ce road-book ou bien ?

Castel Vergio - Vizzanova : 44km, 2'700 D+ et 3'000 D-


Trace GPS et détails ici

Ah ouais, quand même, quatre étapes dans la journée ... l'enfoiré !
La journée d'hier avec sa vingtaine de kilomètres et ses 1'800 mètres de dénivelé m'avait bien convenue ... pourquoi tant de haine aujourd'hui ?
On me répond que c'est comme ça, c'est le challenge mec et il va falloir se sortir les doigts du popo si tu veux arriver avant la tombée de la nuit à ton hôtel ... et là j'en reviens à la question que je m'étais posé en préambule de ce délire (voir ici), à savoir qui est le plus fou des deux : celui qui propose ou celui qui accepte ?

Bon, visiblement je n'aurai pas de réponse à 4h30 du matin sur le parking désert de Castel Vergio. Le seul réconfort que j'aurai c'est qu'apparemment, on a encore un peu de caillasse à manger ce matin, mais après ... c'est roulant ! Bon, si c'est le boss qui le dit, on veut bien le croire et notre petite équipe entame sa progression à la seule lueur de nos frontales.

L'avantage, quand il fait nuit, c'est que tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Tu as du mal à évaluer la pente et son dénivelé, tu ne sais pas si ça monte encore longtemps ... il te manque un tas d'informations qu'en fait, il ne vaut mieux ne pas savoir quelques fois quand ça fait à peine 20 minutes que tu es sorti de ton lit. Tu sais juste que ça monte et que tu en as pour un moment ... un long moment !

Bref, c'est parti et visiblement je ne suis pas le seul à être dans le coton puisqu'il n'y a pas grand monde qui cause ce matin, tout occupé que nous sommes à évoluer dans les ténèbres.
Ça monte doucement, tranquillement et seul le bruit de nos bâtons résonnent sur les pierres.
Nous passons devant un des arbres les plus connus de Corse, mais la nuit est encore trop présente pour profiter du paysage ... dommage.

Vue réelle
Vue retouchée

Après les prémices d'une petite sudation dorsale, on arrive gentillement au sommet de notre première grimpette et le jour pointe le bout de son nez ainsi que mes premières mauvaises sensations. Hier, au fur et à mesure de la journée, j'ai senti que ça allait de mieux en mieux. Aujourd'hui, ce serait plutôt l'inverse.
J'ai du mal à allonger ma foulée, le genou est toujours douloureux, je ne supporte déjà plus mon sac à dos et je peine à tenir le rythme du groupe ... mmh, ça sent la journée de m... tout ça, d'autant plus que ça va être long ... bon, il va falloir encore ruser je sens.

Le jour fait peu à peu son apparition ...


... et force est de constater que Sandro avait visiblement bien raison sur cette affaire : ça a l'air méga roulant cette histoire. Nous découvrons alors un panorama tellement diffèrent de ce que nous avons pu voir jusqu'à maintenant ... incroyable !

Alors que cela fait deux jours qu'on mange littéralement de la caillasse, que nos chevilles et genoux sont déjà passablement meurtries, voilà que ce GR20 imprunte dorénavant ce qui pourrait bien ressembler à un green de golf tellement que l'herbe est verte, moelleuse et accueillante ... un vrai bonheur :)

Au loin, prochaine difficulté de la journée.

Du coup, le moral remonte un peu dans les troupes et on décide de réhausser notre allure moyenne ainsi que les puls qui avaient du mal à décoller ce matin.

Nicolas donne l'allure

Le paysage est un régal pour les yeux, le single track hyper roulant ... ça aurait été ainsi depuis le début, on aurait pu boucler ce GR20 en moins de 32 heures, mais bon, ne boudons pas notre plaisir, quelque chose me dit que ce serait bien étrange que ce soit roulant comme ça jusqu'à l'arrivée ... profitons !





On se fait un petit stop dans une bergerie : thé chaud, café bien sucré ... bien que le soleil soit de la partie, ses rayons sont encore bien trop timides.
Mes compagnons sont désormais bien réveillés et je sens qu'une fois qu'on se sera envoyé ces boissons, le rythme risque de drastiquement s'accélérer, et ce n'est pas pour m'arranger parce je cours toujours à coté de mes pompes pour l'instant ... et ça m'agace parce qu'il n'y a plus Julien pour me servir d'excuse ou de fusible. Alors, comme je ne veux pas faire le boulet, j'opte pour la même tactique que lui : je profite que Nicolas galère un peu avec son matos et que tout le monde tente de bricoler et de lui trouver une solution, pour prendre la poudre d'escampette.
Il reste encore quelques kilomètres sur le plat et après, deuxième grosse montée de la journée pour atteindre un des points les plus haut de Corse pour ce parcours (environ 2'200 mètres d'altitude).

J'avale donc mon thé chaud en moins de temps qu'il ne faut pour m'ébouillanter le gosier, et c'est parti, on se retrouve dans la montée les gars !
Le soleil est dorénavant bien présent et je termine cette traversée sous les Hi Ha des chevaux :)



Le reste de l'équipe repart quelques minutes plus tard et, estimant sûrement que je n'ai pas pris assez d'avance, profite de ces derniers instant roulant pour ... marcher ... tranquil' quoi.

Grosse ...

... grosse ...

... motivation !

Oups, whisky et café ne font pas bon ménage Thierry !

Au pied du gros tas de caillou qui me fait face, j'estime que j'ai pas loin de 10 minutes d'avance sur les quatre gars derrière moi. Challenge !
Alors que je passe devant un refuge où apparemment, Chipper le Renard est venu faire ses commissions cette nuit (ça grogne sec chez les randonneurs mal réveillés !), je me monte un petit scénario dans ma tête :

Je suis le dernier des Mohicans et quatre méchants Cow-boys veulent mon scalp à tout prix. Ils sont équipés de sac à dos Ultra light, de Salomon dévoreuses de cailloux et de boisson isotonique leur permettant de courir jour et nuit sans la moindre fatigue alors que moi, pauvre Sioux que je suis, je n'ai que mon courage et ma volonté pour affronter les éléments.
Bon ok, je me suis octroyé le bon rôle, mais il va quand même falloir atteindre le sommet avant eux si je ne veux pas finir empalé au bout de leurs bâtons carbone.

Je me fais donc un peu violence et entame ces 700 mètres de D+ le coeur vaillant.
Le fait d'avoir de l'avance me soulage un peu et me redonne du peps ... la forme devrait revenir, je n'ai pas envie de subir comme ça toute la journée.

Je monte, tentant de dissimuler mes empreintes afin de compliquer la tache aux quatre salopards derrière moi, mais je dois me résoudre à l'implacable constatation : je fais un piètre Indien ... j'entends au loin le souffle haletant des cow-boys à ma poursuite.
Fichtre, ils ne m'auront pas si facilement ! Je coupe le chemin dans des buissons improbables, je traverse des ruisseaux et escalade quelques rochers afin de brouiller les pistes ... et surtout, j'essaie d'accélérer le tempo, mais y'a rien à faire, je vois mon avance diminuer à vue d'oeil.

Cette grimpette se fait de nouveau dans les cailloux et les rochers, rien de roulant là dedans, c'est usant, fatiguant, difficile. Je sens mon moral dégringoler au fur et à mesure que les cow-boys reviennent à ma hauteur.
Thierry et Daniel me scalperont sans le moindre scrupule à quelques encablures du sommet. Nicolas et Sandro en feront rapidement de même ... et j'atteins les 2'200 mètres pas bien frais ni bien même motivé pour continuer.
Je ne comprends pas pourquoi c'est toujours les cow-boys qui ont l'air facile et qui gagnent à la fin alors que moi je galère déjà et que ça n'a pas l'air de vouloir aller bien mieux.

Pour l'instant, le seul réconfort que je peux trouver, c'est la vue ... encore une fois magnifique :)

Le Mordor n'est toujours pas loin





Si j'avais les jambes, je serais bien descendu faire trempette, mais j'ai à peine le temps de ranger l'appareil photo et de sortir une barre de céréales, que je m'aperçois que les cow-boys sont déjà partis sur les traces d'une autre proie.

Tchao l'Indien !


...

Dépité ... c'est le seul mot qui me vient.

Heureusement que le paysage est là pour me sauver : arrêt photo toute les trois minutes, ouf !



ouistitiiiiii

Nous naviguons désormais sur les crêtes et la vue est à couper le souffle. La bonne nouvelle c'est que comme certains cow-boys sont un peu sensible au vide et que l'Indien a le pied sûr et léger, j'arrive à tenir la cadence sur cette portion, c'est déjà ça de gagné !



Thierry, premier de cordée



Même pas peur   o.o

Mais alors que nous entamons une légère descente, où quelque matériel précieux pourrait subir des dommages irréversibles (je vous laisse juger par vous même ^.^) ...

Surtout ne pas perdre ses appuis !

Ça coince ?

... je profite d'une énième séance photo pour de nouveau prendre un maximum d'avance sur mes compères.
Au lieu de suivre le sentier et de faire le tour d'un cirque, je prends la tangente et trace tout droit dans la pente. Je remonte en face pour terminer la dernière petite grimpette des crêtes.
Mais alors que je suis fier de mon tour de passe-passe et que de nouveau ces quelques minutes grappillées me permettent d'évoluer un peu plus sereinement, je m'aperçois que je n'avance plus du tout ...

Je vois les étoiles, je me sens vide, je n'ai plus d'énergie, mon sac pèse 3 tonnes et lever mon pied est une vraie torture. Je réfléchi à comment je pourrais bien me sortir de cette galère mais je ne vois pas trop d'échappatoire.
Thierry me rejoint et on attaque ensemble la descente sur le refuge de Petra Piana. D'après lui, je ne fais ni plus ni moins qu'une bonne hypoglycémie. Un bon ravito au refuge et ça devrait faire le tour.
Alors je m'accroche, je galère et peste comme jamais dans une descente. J'ai l'impression que mes lèvres ne verront jamais ce coca-cola qui m'attend, là, environ 400 mètres sous moi.

Refuge atteint, on est à mi-parcours et je suis ... dead !
Pendant que Nicolas rafistole ses chaussures qui baillent et son sac à dos qui se fait la malle, je file voir le gardien du refuge pour faire mes provisions.




Quoi, qui matte mes mollets ?

Je suis tellement à plat que je pourrais manger un ours ... pas de bol, il n'y a pas de ça au menu, et comme le gardien est en pause, il me fait comprendre que mon coca, faut que j'aille me le chercher moi-même dans le frigo et puis poser l'argent dans la caisse ... je commence à avoir l'habitude de cet accueil toujours aussi chaleureux.
En même temps que mon coca, j'en profite pour m'engloutir une boite de thon à l'huile sur du pain de mie, deux compotes de pommes, des bananes séchées ainsi qu'un ... Mars !!! Eh oui, un Mars et ça repart ... enfin, ça repart, mais pas bien vite quand même, et puis contraint et forcé. J'aimerai bien m'arrêter là mais visiblement l'hélico ne passe pas bien souvent ... j'ai meilleur temps de continuer ma galère.

Je repars donc. J'entrevois quand même un peu la fin de la journée : encore un passage sur les crêtes, une grosse descente sur le dernier refuge, puis grosse montée et grosse descente sur Vizzanova ... terminus tout le monde descend !
Même à l'agonie, ça devrait le faire.

Le passage sur les crêtes nous offre de nouveau une vue splendide et comme le tracé est assez technique, on ne s'emballe pas, on reste groupé et on fait gaffe ... le vide est toujours présent et une gamelle ferait beaucoup de dégâts à cet endroits.

Tu as du réseau Nicolas ?

On attaque la descente sur le refuge de l'Onda et je sens que j'ai enfin trouvé un compagnon de galère. Moi qui subit dans la descente, y'a un truc qui cloche; Sandro qui subit la descente ... c'est naturel. Comme deux vieux cons, on râle tout ce qu'on peut contre la pente qui est trop raide, les cailloux qui sont trop nombreux et surtout trop mal rangés (quel bordel en Corse quand même !) ... rhâââ, quel bonheur d'être à deux pour pédaler dans la semoule !

Comme on se fait distancer par le reste de l'équipe et qu'il faut faire un détour pour attraper un coca au refuge, on se dit qu'on trace tout droit et que les trois autres auront l'intelligence de nous prendre un ravitaillement et de nous l'apporter dans la montée ... bon, autant le dire tout de suite : pas de bol ! Personne n'avait envie de se faire le détour et on se retrouve tous au pied de la terrrrrrible montée :



Terrrrrrible avec 6 "r" parce que visuellement, ces 700m de D+ ont de quoi vous donner le tournis. Vous faites face à un pan de montagne tout droit, tout lisse et le sentier qui monte jusqu'au sommet, vous le voyez tracer tout droit de vos pieds jusqu'à l'ultime centimètre qui vous sépare de la crête ... vertigineux !
Vous avez l'impression qu'on vient de dérouler un tapis de trois kilomètres de long et que cette ascension va être psychologiquement terrible.
Même Sandro a l'air d'en avoir des frissons:

Pfffffiou ...

Petit mot de motivation du G.O :

-" Après ça, c'est roulant les gars ! "

Mouais, bon , mis à part la petite traversée du matin sur le green, je n'ai pas vu grand chose de roulant aujourd'hui ... si, peut-être ma motivation qui a filée au fond de la vallée, sinon je vois pas.

Quoiqu'il en soit, il est temps d'y aller et je me console en me disant que faire la montée avec Sandro sera plus simple que de ruminer tout seul dans la caillasse.

Mais ... quoi ?

Que vois-je ... ???!

Nan, pas ça ! Pas maintenant !!!!


Nous avons à peine gravi quelques mètres que je les sens, je les vois ... les quatre cow-boys ont décidé de se tirer la bourre dans cette montée, et là je peux dire adieu à mon compagnon de galère ... quand on a les jambes, pas question de rater une baston.
Je vois donc mes quatre compères accélérer le tempo, toutes les manettes à fond et ça envoie du lourd. Ils ont décidé de faire péter les watts, les varices et mon estime.

Dans n'importe quelle autre montée, j'aurai sûrement accusé le coup pas trop durement : ils auraient disparu après quelques minutes et j'aurai pu me concentrer sur mon rythme à moi.
Mais là, je les vois ! Ils sont à 100, puis 150, 200, 300, 500 mètres de moi et je les vois toujours ! Pour le moral, c'est terrible, d'autant plus que je trouve ça trop beau de les voir avaler la pente avec tant de facilité.

Alors je décroche ... déjà physiquement parce que je n'ai plus rien dans le moteur et les jambes, et je décroche psychologiquement : j'ai perdu l'envie de me battre, de lutter, de vaincre la montagne ... je veux juste abandonner, arrêter.

Je galère, ça se voit là nan ?


Et c'est ce que je fais : pour la première fois depuis Calenzana, je pose mes fesses sur ce GR20, je suis épuisé !
Je sais que je n'ai pas trop le choix, il va quand même falloir grimper tout là-haut mais je veux prendre 5 minutes pour faire le point avec moi-même.
Et pendant que je cogite, je sors un pomme de mon sac que j'avais acheté la veille. Une pomme, une vraie ! Pas un truc desséchée, ni une chose sous-vide ... non, une vraie pomme, avec du vrai jus dedans et des vrais pépins.

Incroyable comme cette pomme me fait du bien, un vrai bonheur ... qui me fait un peu oublier mes malheurs. Du coup je me relève et continue ma grimpette. Je vois toujours les quatre cow-boys fuirent au loin sur leurs chevaux, en plein galops.
Tant pis, si je dois continuer moi sur un bourriquet, je le fais.
Des minutes, des dizaines de minutes voir même quelques heures ont passées et j'arrive péniblement enfin au sommet pour retrouver de le reste de l'équipe ... qui n'est pas là ?!

Bah quoi alors ? Je me sens abandonné ... bouuhhhhh :(

Comme je descends vite, les quatre lascars ont pris cette fois-ci de l'avance sur moi et l'Indien doit se venger et rattraper les quatre cow-boys.
Oui mais cette fois-ci, je n'y suis pas du tout. D'une part parce que je n'en peux plus et que je n'ai pas l'intention d'aller bien vite, et puis d'autre part parce que la descente est tellement roulante, qu'aller vite serait presque du suicide.

Méga roulant !

Bref, je descends ... tranquillement, parce que je suis fatigué, que je n'ai plus de jambes et que je manque par deux fois de me fracasser en dix-mille morceaux dans la caillasse.

Je n'en peux plus et j'ai beau regarder au loin, le plus loin et le plus bas possible, je ne vois aucune trace de mes compagnons : s'ils sont si loin que ça, il n'y a aucune chance pour moi de les revoir avant Vizzanova.
Et alors que je tente de distraire mon esprit dépressif par des petits coin de nature bucolique :

Plouf ?

Voici que j'entends des rires. Au détour d'un chemin, je retrouve mes compères ! Je suis accueilli avec des "ahhhh enfin !" qui sommes toutes, font plaisir à entendre.
Sandro termine de se rincer les doigts de pieds et on va pouvoir terminer cette journée dans la joie et la bonne humeur.

Sandro aura pollué toutes les nappes phréatiques de Corse !

Dans la bonne humeur c'est sûr, dans la joie, pour ma part il faudra repasser parce qu'on a encore un bon bout à descendre et je ne suis pas au bout de mes peines.

J'en ai tellement marre de chez marre, que je suis obligé de me déconnecter de moi-même pour avoir la force de continuer à avancer. J'ai l'impression d'être un robot ... terrible :(
Je pars en compagnie de Thierry et Nicolas mais petit à petit, je me rends compte que je n'arrive toujours pas à suivre le rythme. Je ralenti en espérant que Sandro et Daniel reviendront sur moi pour finir ensemble, mais visiblement, je suis trop lent pour certains, trop rapide pour d'autres ...

Qu'est ce que j'avais dit en début d'article ? Journée de m... c'est ça non ?

Je rebascule donc en mode zombie, priant que pour le peu d'énergie qu'il me reste soit suffisant pour m'emmener à l'hôtel.
Une vague brebis tentera de m'encourager :

Bêêêê, qu'est-ce-que tu glandes ?

Et je profite de passer dans la forêt, pour m'émerveiller du romantisme de certaine situation :

love

Comme je suis désormais en forêt, il y a des chemin qui partent dans tous les sens et je manque de lucidité pour prendre la bonne route. Cependant, ma bonne étoile ne m'a pas quitté car voilà je croise ... Julien ?!!!

Incroyable et improbable rencontre. Ça me fait tellement plaisir de le voir à ce moment, mais je suis quand même hyper surpris.
Il m'explique qu'il est parti ce matin de Castel Vergio en stop puis à rejoint Vizzanova par divers moyen de transport. Une fois à l'hôtel, il s'est dit qu'on ne devrait pas trop tarder et qu'il allait venir à notre rencontre ... trop cool !
Sandro et Daniel nous rejoignent et Julien nous indique le chemin pour se rendre au plus court à l'écurie. Si je ne l'avais pas croiser, ce qui s'est joué à 1 ou 2 minutes, j'aurai emprunté un autre sentier, me faisant faire un détour d'environ 3 kilomètres.
Je suis tellement content d'avoir éviter cette galère de plus.

On arrive finalement à Vizzanova où Thierry et Nicolas sont déjà à l'apéro ^.^

Santé !

Il est 19h00 et après 14h00 de course aujourd'hui, le GR20 Nord est bouclé : je suis rincé !

Synthèse de ces trois premiers jours :

99 kilomètres
7'800  D+
7'000 D-
37 heures de course.

Le bilan pour ma part est  très mitigé :
J'ai galèré toute la journée mais je sens que physiquement je peux encore le faire, je ne comprends juste pas pourquoi je n'avance pas. Par contre, au niveau psychologique, ça été une journée très éprouvante qui va laisser beaucoup de traces et je me pose réellement ce soir la question du bien fondé de la poursuite de l'aventure pour ma part.
Je veux bien que ce soit dur, je veux bien en chier, je veux bien galèrer ... mais je veux aussi pouvoir gérer cet effort et répondre quand c'est possible. Je ne veux plus subir comme aujourd'hui ... aucun intérêt.

Alors je pose plusieurs conditions à mon départ avec les cow-boys demain matin :

- Que le repas de ce soir soit bon, consistant et me permette de recharger les batteries.
- Que je puisse prendre une bonne douche et passer une bonne nuit.
- Que le petit déjeuner de demain matin soit fournit et nutrionnel.
- Que le départ ne soit pas prévu à 4h30.

Voilà, c'est décidé, d'autant plus que demain est une journée "sans retour". Demain soir, la dernière nuit se fera en refuge d'altitude : pas moyen d'abandonner. Si je pars, il faudra aller au bout. Alors je serais intransigeant avec moi même sur les conditions ci-dessus, sinon j'irai tenir compagnie à Julien pour la suite ... tant pis.

Je rejoins ma chambre : bâtiment et meubles vétustes, mais c'est propre, la douche chaude et le lit confortable : un bon point.
Il est l'heure de passer à table et alors que je rentre dans le restaurant, un frisson me parcours le corps : les assiettes ont toutes l'air succulentes. Le repas sera un vrai délice (steak, frites, salade, dessert) le top du top pour moi. Voici mon moral qui vient de remonter de deux crans.

La mauvaise nouvelle, c'est qu'on avait oublier de préciser qu'on voulait des plateaux petit déjeuner pour demain matin afin de pouvoir partir de bonne heure. On se fait donc gentillement remballer avant finalement de nous proposer "un petit truc" pour ne pas partir le ventre vide.

Je crains le pire, ça sent la glandouille avec Julien cette histoire ... au moins, on est sûr que ce sera roulant !

Historique :
     L'idée, le délire de ce GR20.
     Préparartion et matériel.
     Première journée : Calenzana - Asco.
     Deuxième journée : Asco - Castel Vergio.
     Troisième journée : Castel Vergio - Vizzanova.
     Quatrième journée : Vizzanova - Usciolu.
     Cinquième journée : Usciolu - Conca !

4 commentaires:

  1. trop beau les paysages! vous avez eu du bol avec la météo.
    par contre la brebis elle fout un peu les boules, on dirait plutôt un bouc prêt à te mettre un coup de cornes lol
    Michèle

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    1. La brebis, c'est un peu comment on te reçoit en Corse ... sinon, quelque chose me dit qu'il va y avoir un petit changement météo au jour 4 ;-)
      @+ Michèle

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  2. Superbe récit ! Paysage de rêves :) Bref, merci de partager tout ça avec nous :) !

    Silvia

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    1. Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage ;-)
      Merci Silvia :)

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